Depuis quelques jours, une étude parue début février revient régulièrement dans les actualités, avec ce titre accrocheur « trop de jogging nuit gravement à la santé » (au choix, ici, ici, ou encore là). Avec en substance ce message: « attention, ne faites surtout pas trop de sport, ça pourrait finalement être mauvais pour la santé. Un peu de sport (mais pas trop), c’est bien suffisant ».
Je n’aime pas ce genre d’articles, qui distille le doute dans la tête des gens. Ceux qui font beaucoup de sport sont en général bien informés (ou le pensent) et ne seront donc pas sensible à ce discours. Par contre, les personnes qui font un peu de sport, ou qui essaient de s’y mettre parce que « c’est bon pour la santé », mais qui ont du mal à trouver la motivation, seront facilement impactées par de tels titres.
Si vous vous « forcez » à faire du sport pour rester en bonne santé, et qu’on vient vous dire « attention, n’en faites pas trop, c’est mauvais pour la santé », vous allez peut-être réfléchir à deux fois avant d’aller courir la prochaine fois… Et si vous n’étiez pas très motivé, vous risquez bien de ne pas y aller du tout.
Alors qu’on ne le répétera jamais assez, il est important de bouger (et donc de faire du sport) pour être en bonne santé!
Voici donc une petite analyse de ce qui se cache derrière ces articles un brin racoleur/alarmiste, avec mon œil de scientifique.
Ce que dit l’étude
Mon premier réflexe a bien sûr été d’aller voir l’étude originale, ou du moins son résumé, accessible à chacun sur Pubmed, le catalogue des études scientifiques. En effet, s’il existe une erreur courante dans les médias, c’est d’interpréter à tort et à travers les résultats d’études scientifiques sans en connaître tous les détails. Sauf que scientifique, c’est un métier, et qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi à une étude si on n’a pas toutes les infos.
Comme il a bien été rapporté dans les médias, cette étude a suivi un peu plus de 5 000 personnes depuis 2001 (1 098 joggers et 3 950 non-joggers, précisément).
Sauf que la première phrase du résumé est celle-ci: « les personnes physiquement actives ont 30% de risques de décès en moins pendant la période de suivi, comparativement aux personnes sédentaires ». Là, il ne semble pas que le sport soit mauvais pour la santé… Suivie de cette précision « la dose idéale d’exercice pour améliorer la longévité est incertaine ». Incertaine, ok, mais à quel moment a t’on dit que le sport était mauvais pour la santé?
Les 1 098 joggers ont été divisés en 3 groupes selon leur pratique: légère, modérée, ou intense. Les critères pris en compte étaient la fréquence de leur jogging, leur allure et et la durée.
Si on se penche sur le détail des résultats, on s’aperçoit que les joggers avec une pratique légère ou modérée avaient une mortalité inférieure aux sédentaires (= le sport est bon pour la santé), et que les joggers avec une pratique intense avaient un taux de mortalité similaire aux sédentaires. Autrement dit, à aucun moment, il n’est démontré que courir beaucoup ferait courir un risque pour la santé par rapport à ceux qui ne font pas de sport!
La seule chose que disent ces résultats, c’est que quand on court beaucoup, on perd en quelque sorte les bénéfices d’une activité physique modérée.
Et là, rien de nouveau sous le soleil…
La courbe en U
Ce phénomène est bien connu des scientifiques sous le terme de courbe en U. Et j’imagine d’ailleurs qu’il est retrouvé dans d’autres domaines que la physiologie du sport.
En cherchant sur le net, j’ai d’ailleurs retrouvé le sommaire d’un vieux Sport et Vie qui parlait de cette fameuse courbe en U dans le sport. Je me souviens très bien de cet article, puisque c’est une revue que je lisais assidûment pendant mes années d’études en fac de sport.
Plus récemment, dans le rapport Toussaint pour le PNAPS (Plan National de prévention par l’Activité Physique ou Sportive), on trouve clairement représentée cette courbe en U entre le risque sanitaire et la quantité/l’intensité de la pratique sportive:
Cette courbe ne dit finalement rien d’autre que le bon sens populaire qui s’applique dans tous les domaines : « Ni trop, ni trop peu ». Oui, il faut se bouger, faire du sport, mais il y a une marge entre courir régulièrement chaque semaine et faire un ironman ou un ultra-marathon, avec l’entraînement que cela exige…
En conclusion, on fait quoi?
L’intérêt de cette étude est d’essayer de déterminer la dose « optimale » de sport (ici, de course à pied) pour améliorer la longévité. Sur ce point, les résultats sont les suivants: l’idéal est de courir 2 à 3 fois par semaine, à une vitesse lente à modérée, pour une durée totale de 1 à 2,4 heures.
Je crois que je suis plutôt pas mal 😉 Et vous?
Si vous êtes tentée, n’oubliez pas de suivre la rubrique Ces Mamans qui Courent, avec plein de témoignages inspirants et pratiques chaque premier mercredi du mois!